Les entreprises sont la solution

Les entreprises sont la solution

L’entreprise n’est pas le problème : c’est la solution.

Seulement 90 jours… il n’aura pas fallu plus de temps pour voir s’effondrer, à l’échelle planétaire, l’ensemble du système économique. Une grippe qui apparaît en Chine fin 2019 gagne l’Asie du Sud-Est en Janvier 2020… Fin Avril 2020 l’économie de la planète est à l’arrêt ou presque… et près de 800 000 êtres humains ont perdu la vie au 21 Aout 2020.

Ce qu’on pensait éternel, inamovible, impossible… ne l’était finalement pas… et à l’été 2020 la suite sanitaire est encore loin d’être clair : combien de temps pour un vaccin ? des re-confinements localisés ? une limitation des déplacements de personnes et de marchandises ?

Si on veut rester positif, il y a aussi quelques bénéfices environnementaux induits dans cette tragédie car la réduction de l’activité humaine produit des résultats positifs pour la planète : réduction drastique des émissions de carbone (avions, voitures, transports…), retour de la biodiversité dans certains espaces urbains (des sangliers à Barcelone, des dauphins à Venise…), consommation plus locale faute de logistique internationale efficace, réflexes de solidarité des états et des citoyens…

Mais à quel prix ? Aux centaines de milliers de morts vont se succéder des millions de destruction d’emplois, un endettement des Etats aux chevets de leurs économies à des niveaux inégalés… et probablement l’une des crises économiques les plus violentes du vingtième siècle qui entrainera comme toujours son lot de misère et de désespoir.

 

La prise de conscience est là : la nature n’est pas une ressource, c’est notre écosystème ! Sans écosystème, tout meurt. Les crises climatiques, migratoires, sanitaires nous le rappellent. La crise écologique et climatique sous-tend tout le reste… et l’échéance se rapproche à grande vitesse. L’ignorer c’est continuer à foncer dans le mur en pensant qu’accélérer permettra de passer au travers.

Si gouverner c’est prévoir… quel est le risque N°1 pour une entreprise ? L’investissement client en berne ? Le manque de trésorerie ? La concurrence qui innove plus vite ? La difficulté à remobiliser les équipes ? La défaillance des fournisseurs ?…

   

Ne nous y trompons pas, cette crise sanitaire nous éclaire sur ce que sera notre avenir sans stratégie concertée de rupture avec l’ancien monde. Qu’elles s’appellent pandémies, guerre de l’eau, migrations massives… toutes ces crises ont en commun leur caractère global, immédiat et total. Nos sociétés ne sont pas préparées à encaisser de tels chocs, nos systèmes politiques et économiques n’y survivront peut-être pas.

La crise écologique et climatique sous-tend tout le reste… et l’échéance se rapproche à grande vitesse.

Même sans établir de lien de causalité entre crise environnementale et pandémie (la réduction des territoires des animaux sauvages et les fontes de glace pouvant semble-t-il exposer l’Homme à des virus encore inconnus), on peut sans difficulté affirmer que la crise climatique à venir sera sans doute encore plus violente que la crise sanitaire actuelle.

Alors quelle stratégie permettant ce changement à une échelle et un rythme suffisant pour changer la trajectoire alors que depuis plus de 20 ans nous recevons les alertes des scientifiques, nous assistons aux manifestations des altermondialistes de tous bords, nous suivons les péripéties de l’écologie politique… ?

Le temps du politique, en démocratie, est un temps court (4 à 5 ans). L’acceptabilité sociale de la transition écologique est sans cesse questionnée tant il est facile d’opposer environnement et économie… bilan carbone et emploi. Evidemment que sans activité, le bilan carbone s’améliore mais sans emploi les systèmes politiques feront face à une montée des populismes impossible à maîtriser. Quelque chose ne fonctionne pas malgré les bonnes volontés et la conscience individuelle que ça ne va pas, nous n’arrivons pas, collectivement, en tant que société, à changer assez fort et assez vite pour freiner la course folle avant l’impact ou sans crise planétaire immédiate telle que nous vivons actuellement avec le Covid-19.

Et d’ailleurs, si la prise de conscience de la population semble s’accélérer, le risque avec la crise économique qui enfle c’est que la population (et donc nos gouvernants) ne se détourne de l’enjeux stratégique au motif qu’il ne serait pas dans les préoccupations du moment… c’est une folie absolue.

Le temps des entreprises est venu car elles seules ont l’opportunité, le mobile et les moyens.

L’opportunité : le consommateur (qui n’en est pas moins citoyen et un collaborateur) a décidé de se nourrir autrement et de consommer juste. L’opportunité marketing est claire et les marques s’en empare. Le commerce équitable, responsable, bio, n’est plus le signe distinctif d’une minorité de bobos ou de doux rêveur. C’est une part de linéaire sérieuse, et une mise en avant dans le commerce de masse. Réjouissons-nous ! cela signifie des budgets de R&D, une chaine logistique, des investissements enfin à la mesure de l’enjeux. Le collaborateur, toutes les études le démontrent, n’est plus désormais séduit (lorsqu’il est candidat) ou motivé (lorsqu’il est en poste) que par le seul appât du gain. La frange de plus en plus importante de collaborateurs en quête de « sens » et de « valeurs fortes » au sein de la communauté professionnelle à laquelle ils participent, l’entreprise, fait maintenant ses choix de carrière et dose son implication professionnelle en fonction du retour perçu de la part de son employeur pour lui-même et pour les communautés (locales ou planétaire selon la taille de l’entreprise). Investir dans les démarches responsables c’est donc un atout marketing et un renfort indispensable à la marque employeur.

Le mobile : les entreprises ont horreur du chaos. Sans stabilité, aucune activité n’est possible parce qu’on ne peut rien planifier, prévoir, reporter… N’oublions pas que la solidarité entre humains à l’échelle planétaire sera la seule option soutenable politiquement pour garantir notre démocratie en temps de crise et éviter des guerres.

Ne pas considérer que les mouvements de populations massives liées au changement climatique vont profondément modifier la démographie de la planète et menacer à très court terme la stabilité des systèmes politiques démocratiques occidentaux c’est « regarder ailleurs pendant que la maison brûle ». Les tensions ressenties actuellement en Europe de l’Est ou à la frontière américano-mexicaine ne sont que les prémisses de ce qui attend le monde occidental.

C’est pour cela que les investissements en « Développement Durable » ou en « Responsabilité Morale des Entreprises » passent des budgets « communication » vers les budgets « Développement & Stratégie » pour les entreprises qui l’ont compris. Les labélisations type BCorp ne sont pas un sujet cosmétique, elles sont un sujet stratégique en ceci que ces démarches à large échelles permettent aux entreprises de survivre dans le monde de demain.

Les moyens : les profits des grandes multinationales n’ont jamais été aussi élevés, le soutien des états aux politiques durables se renforce (et sans doute que son absence sera synonyme d’une fiscalité plus lourde demain), des véhicules de financement dédiés se mettent en place parmi les institutions financières… et surtout les liquidités même au cœur de cette crise mondiale qui s’annoncent sont toujours là ! Les entreprises ont les moyens de conduire leur transformation.

Ne manquons pas ce rendez-vous où tous les astres sont alignés : les consommateurs en ont la demande, les citoyens l’exigence, les politiques la conscience, les actionnaires l’appétit, les financiers les moyens. Le créneau est là, l’énergie collective vers un monde plus solidaire et plus durable.

Dès lors comment recréer les emplois perdus et dégager de la valeur ? Par l’innovation. Penser que nous reprendrons comme si de rien n’était notre vie « d’avant » est une illusion. Les entreprises devront s’adapter aux changements ou disparaitre. C’est par l’innovation (technique, marketing, organisationnelle, digitale…) que nous trouverons les relais de création de valeur permettant la mise en œuvre d’une économie circulaire à la fois créatrice d’emploi, génératrice de taxes pour nos collectivités et respectueuse de notre écosystème.

Les moyens techniques aboutissement déjà au stade de prototype industrialisable : les matériaux végétaux dans les emballages, les procédés de recyclage enzymatiques, les outils de réalité virtuelle ou augmentée rendant les déplacements inutiles… les outils existent il faut maintenant les industrialiser.

Saluons aussi les initiatives de certains grands dirigeants et grands groupes. L’action menée par Emmanuel Faber (*) à la tête du groupe Danone est en ce sens exemplaire : réduction drastique de l’impact carbone, refonte de l’ensemble des développement packaging du groupe pour favoriser l’économie circulaire, certification BCorp. C’est de type d’exemple inspirant qui démontre qu’un grand groupe côté, lorsque ses dirigeants s’en donnent la peine ET qu’ils disposent d’une base actionnariale stable avec des valeurs fortes, peut changer la donne.

C’est la gouvernance même qui doit impérativement intégrer cette dimension. Dès lors que l’on convient du caractère stratégique (et non cosmétique) de cette démarche durable, solidaire et éco-responsable, cela impose un plan d’action, soutenu par le top management et financé par un budget propre. Il ne suffit pas de regarder l’ensemble des décisions à l’aune de cette stratégie mais de la doter d’un budget tout aussi stratégique que le budget marketing ou digital.

Ce budget doit permettre de financer les projets d’innovation technique, marketing, organisationnelle, digitale… permettant d’aligner le plan d’action de l’entreprise à la stratégie Solidaire et éco-responsable définie par l’entreprise.

 

              Changer la donne va nécessiter de réfléchir véritablement à la fois à la gouvernance et à la structure actionnariale des entreprises.

Il est clair que la nature de l’actionnariat est un des facteurs déterminants. Ce que montre aussi cette crise c’est que la financiarisation à outrance de l’économie et la trop forte déconnection entre actionnaires et économie réelle a produit une génération de dirigeants qui ne sont que de simples exécutants, gestionnaires au service des marchés. Ce n’est pas soutenable et acceptable dans la perspective d’une mobilisation des entreprises radicale pour changer de trajectoire. 40% des capitaux des groupes du CAC40 sont détenus par des institutions financières types fonds de pension contre seulement 10% pour les petits porteurs. C’est trop peu.

N’oublions pas le pouvoir de l’épargne en ce sens ! Si le citoyen s’est découvert consommateur, il faut aussi lui rappeler qu’il est un épargnant et un investisseur, directement ou indirectement, il dispose d’un levier à travers les choix d’investissement / de placement qu’il fait (souvent à travers sa banque ou son fond de pension pour certains).

L’initiative Time4Planet (www.time-planet.com) a ainsi l’ambition de collecter 1 milliard d’euros à l’échelle planétaire pour créer et investir dans des entreprises de la green-tech développant des technologies de décarbonation en open innovation afin que les découvertes soient reprises et amplifiées par d’autres. La communauté des entrepreneurs et citoyens associés grandit chaque jour et les premiers jalons de levée de fonds ont été franchis.

Une communauté agrégée autour des entrepreneurs décide ainsi de considérer que le bénéfice ne se mesure pas en TRI mais en impact environnemental positif !

La Puissance Publique va devoir avoir le courage de le reconnaitre et de favoriser l’actionnariat stable et durable. En raisonnant au niveau international, grâce au levier de la fiscalité internationale, les états vont devoir changer les règles du jeu des entreprises en particulier dans certains secteurs stratégiques qui ne doivent plus être ouverts aux seules lois du marché. Les entreprises demandent bien souvent plus de régulation et une réglementation internationale plus claire, plus stable et plus équitable.

C’est une question de survie pour les systèmes démocratiques que de pouvoir mettre autour de la table les politiques de tout bord pour, grâce à l’action des entreprises et sous le contrôle vigilant des consommateurs – citoyens – collaborateurs – épargnants, reprendre la main sur notre avenir commun.  Le monde d’après sera solidaire et durable ou ne sera plus.

 

Thomas MEYER – Président SOCAPS FUND